Histoire

Les lointains ancêtres

Il y a très longtemps, de 20 à 30 000 ans, peut-être, à l’époque Aurignacienne la vallée du Laouin, et plus particulièrement les cavernes ou simples abris qui s’ouvrent sur le versant du Tarté, avaient déjà attiré les hommes. Alors que le pays, soumis à un climat sec et froid était couvert d’une végétation herbacée, des groupes de chasseurs séjournaient dans la grotte du Tarté, une salle spacieuse de 12 mètres sur 8, prolongée par deux courtes galeries. D’après les ossements qu’on y a retrouvé, on sait que le cheval sauvage, le renne, le bison, le rhinocéros laineux, l’ours, la hyène et le loup peuplaient la campagne environnante. Ces lointains cassagnards ont abandonné sur place un large échantillonnage de leurs outils taillés dans des silex et des quartzites gris : percuteurs, burins, racloirs et grattoirs de diverses formes dont l’un de type plus original a pris le nom de Tarté, dans la classification des vestiges de la préhistoire. Quelques dizaines de siècles plus tard, entre 10 000 et 15 000 ans avant Jésus-Christ, à l’époque Magdalénienne, d’autres tribus de chasseurs occupèrent la grotte de Marsoulas, situées en amont de la précédente. C’est un couloir de 60 mètres, prolongé par une galerie plus basse au fond de laquelle coule un petit ruisseau. En plus de la pierre taillée, ses habitants se servaient abondamment des os d’animaux pour confectionner des harpons, des aiguilles, des lames, des pointes de lances, des pendeloques, etc… parfois gravés de caractères décoratifs. Leur plus grand mérite cependant, est de nous avoir laissé, sur des parois de la grotte une surprenante série de portraits animaux et humains. Tantôt dessinés en traits rouges ou noirs, tantôt gravés sur la roche, bisons, chevaux, bouquetins, rennes, isards, composent une extraordinaire fresque animalière dont le sujet le plus célèbre est le « bison pointillé » entièrement dessiné en larges pastilles rouge et considéré comme la « plus vieille peinture pointilliste du monde ». L’homme préhistorique lui-même, fait assez rare dans les grottes ornées de cette époque, s’est représenté dans des croquis grossiers, appelés « grotesques de Marsoulas » – le plus connu étant celui du « Sorcier ». Aujourd’hui la grotte de Marsoulas est classée « monument historique », mais en raison des dégradations qu’elle a subies, elle ne se visite plus. A quelques millénaires des artistes de Marsoulas, soit entre 4 000 et 2 000 ans avant Jésus-Christ, d’autres peuples s’initiant vraisemblablement à l’agriculture, au nord du site naturel de Cassagne, ils avaient choisi pour ce faire, les sols en pente mais faciles à travailler du versant sud des Petites Pyrénées. On a retrouvé, à Pedegas (Commune de Belbèze), quelques exemplaires de haches en pierre polie qu’ils utilisaient. Toutefois, l’indice le plus significatif de leur passage est la pierre levée ou menhir de Balesta : il s’agit d’une dalle de calcaire blanc, en forme de fer de lance, d’environ trois à quatre mètres de long. Assez rares dans la région (on en a découvert seulement quatre dans la Haute-Garonne), les menhirs pourraient avoir eu une signification religieuse. Primitivement pointé vers le ciel, celui-ci a été abattu par les intempéries ou par les hommes. Il gît aujourd’hui près de la rive Est du lac de Balesta, parmi les genévriers et les chênes rabougris.

La création du village :

Au lendemain de la grande conquête romaine, la région de la basse vallée du Salat était déjà vouée à l’agriculture. Une route se détachant au Fourc de la grande voie Toulouse-Dax longeait la rivière et conduisait à la ville de Lugdunum-Conserani (Saint-Lizier). On récupérait le sel des eaux de Salies, tandis qu’une armée d’esclaves extrayait les pierres à bâtir des carrières de Belbèze et de Balesta. Cette exploitation se déroulait probablement sous la surveillance d’un détachement de soldats occupant la position stratégique de la roche d’Ausseing. Les fondations d’un temple dédié au soleil et plusieurs amoncellements de pierres, restes d’anciens habitats, y attestent encore la présence d’un groupe humain aux premiers siècles de notre ère. A la même époque, mais un peu plus bas, entre Sarradas et Bouque de Lens, la plaine du Salat, aux terres d’alluvions fertiles avaient également fixé un groupe d’agriculteurs. Un sarcophage en pierre de Belbèze découvert au Saoudet et que l’on peut voir actuellement à l’entrée nord de l’Eglise, confirme bien l’existence d’une communauté chrétienne dans ce secteur aux alentours des Vèmes et Vlèmes siècles. Les origines du village paraissent cependant postérieures à cette époque, elles pourraient être liées à celle des deux mottes féodales du Riou et du Casteras édifiées vraisemblablement au Xème ou Xlème siècle. Ces mottes se présentent aujourd’hui comme des monticules de terre à profil trapézoïdal et de forme circulaire. La motte de Riou située légèrement à droite en aval du Pont de la Caraou n’était peut-être qu’un ouvrage de défense avancé, charge de surveiller la vallée du Lens et plus particulièrement le passage à gué de la vieille route de Belbèze. Elle était sans doute coiffée d’un donjon de bois et protégée par une ou plusieurs palissades extérieures. La motte du Casteras qui domine la vallée du Lens du haut d’un versant abrupt est d’une dimension plus imposante. Son nom évoque l’existence d’un gros château : c’était un véritable camp retranché solidement fortifié. Un groupe de soldats devait y stationner en permanence pendant le Moyen Age, notamment pour assurer la sécurité de la population des alentours et lui offrir un refuge en cas de danger. Elle a conservé la trace des fossés qui la ceinturaient et sont aujourd’hui empruntés par le chemin du Barry, mais du mur d’enceinte qui la couronnait encore vers le milieu du XIXème siècle, il ne reste que quelques éléments intégrés dans la façade nord des constructions actuelles. La tradition locale confirmée par le nom du lieu rappelle aussi le souvenir d’un très ancien château édifié au sud de la Conunune au niveau de Marsoulas. Il en reste quelques fondations envahies de broussailles au sommet du plateau d’Es Castets. Il est possible que l’agglomération primitive de Cassagne ait pris naissance aux abords de la motte du Casteras et se soit étendue suivant le plan caractéristique des villages de défrichement de part et d’autre de la route tracée dans la forêt environnante en surplomb de la vallée du Lens. La forêt occupait, en effet, la majeure partie du plateau entre Lens et Salat. Elle a été défrichée tardivement, probablement au début du Moyen Age et le village a tiré son nom du chêne qui en constituait l’essence dominante. D’autres lieux-dits de la Commune rappellent, par ailleurs, les arbres de la forêt primitive. On retrouve facilement l’orme dans la Oumato, l’aulne ou Verne dans les Bernets, le genévrier dans le Gebraou, etc. La plus ancienne mention connue, de Cassagne, comme lieu habité, daterait du Xème siècle. On écrivait alors Cassinia. Par la suite le nom changea plusieurs fois d’orthographe pour devenir Cassanhe au XVIème siècle, puis Cassaigne au XIXème, mais sous ces diverses formes, il évoque incontestablement le chêne (Casse en Gascon par lointain héritage du motgaulois Cassanos) et il signifie approximativement : le Pays des Chênes. Cet arbre a donc à Cassagne une valeur symbolique. Il figure sur l’écusson de la commune, au fronton de la Mairie et l’on peut en voir dans la campagne certains spécimens aux dimensions imposantes. Tel est celui qu’on appelle « Et casse dera hount escuro », il déploie ses ramures à l’intersection des routes de Mazères et Roquefort. Une célébrité locale, René Maheu, alors Directeur de l’UNESCO l’admirait particulièrement, il l’avait qualifié de « Sentinelle de Cassagne ». Apprenant un jour qu’il allait être abattu, il l’acheta pour le maintenir debout. Né de la forêt primitive, le noyau d’habitation qui formera le village se développa vraisemblablement pendant tout le Moyen Age et les siècles suivants au rythme des défrichements. Ceux-ci avaient commencé sur les terres les meilleures du plateau, ils se poursuivirent ensuite sur les coteaux d’au-delà du Lens où les bois reculèrent progressivement au profit des cultures et des prairies, tandis que se créaient de nouvelles fermes généralement à proximité des points d’eau. Comme dans la plupart des hameaux l’approvisionnement en eau du village posa longtemps de difficiles problèmes : * Les sources coulent en contrebas assez loin des habitations. On utilisa naturellement les plus proches : sur le versant du Salat, la Hount Escuro et la Hount Carbe, dont les eaux faiblement calcaires alimentèrent un lavoir communal, sur le versant du Lens, les Hounts de Champagno, de Capsuran et du Barry ; ces deux dernières furent plus tard aménagées en fontaines publiques. Ainsi depuis les origines de la localité et jusqu’à une époque récente, des générations de femmes se sont succédées sur les sentiers de ces sources pour remplir la cruche de terre ventrue (la Dourne) et remonter inlassablement jusqu’au village l’eau nécessaire aux besoins du ménage. Quelques puits relativement profonds constituaient une ressource d’appoint : quant aux animaux domestiques, ils s’abreuvaient dans les mares creusées à proximité des maisons, telle celle qui, il n’y a pas si longtemps encore, bordait tout le côté ouest du Pré Commun.

L’affirmation de la société rurale

La nouvelle communauté eut, très tôt, ses propres institutions. On signalait en effet l’existence de Consuls, ancêtres des Conseils Municipaux, dés 1272. Elle faisait alors partie du Comté de Comminges et relevait plus directement au point de vue administratif de la Châtellenie de Salies. Dans le domaine religieux, Cassagne constituait une grosse paroisse, regroupant les collectivités annexes de Belbèze, Escoulis et Marsoulas. Cette dernière a conservé du XlVème siècle une église rustique de style roman tardif avec des couvertures en arc plein ceintre et un clocher mur triangulaire caractéristique de l’architecture régionale. La paroisse était rattachée au diocèse de Comminges dont le siège épiscopal se trouvait à Saint-Bertrand et la Commanderie des Templiers de Montsaunés, propriétaire d’une partie des terres de Sarradas y bénéficiait d’importants privilèges. Succédant au Moyen Age dont les traces sont finalement assez minces, le XlVème siècle semble avoir apporté une prospérité tardive qui vit la population augmenter et la construction se développer. Il nous en reste le château de Sarradas, flanqué d’une tour ronde, que la tradition fait remonter au règne d’Henri IV et la Maison Hugues où l’on peut encore voir l’emplacement des fenêtres à meneaux. Mais l’édifice le plus intéressant de cette période n’est autre que l’église paroissiale : sa large nef à la voûte soutenue par une série d’arcs entrecroisés, ses fenêtres ogivales, ses hauts contreforts de grosses pierres taillées lui donnent des allures de monuments gothiques, tandis que la porte à colonnes de sa façade nord est un exemple très représentatif du style de la Renaissance. Les deux siècles suivants nous ont légué les fontaines du Barry et de Capsuran, deux petits édifices voûtés abritant un besoin de retenue. La première date de 1681, elle s’inscrit dans un décor forestier qui n’a guère changé depuis sa construction et possède un réel pouvoir évocateur du temps passé. On peut rattacher à la même période quelques maisons d’habitation aux ouvertures surmontées de linteaux voûtés, avec oeils de boeuf sous le toit. Celles qui ferment la place de la Croix du côté nord servirent peut-être de relais de poste : en 1814 un détachement de l’armée anglo-portugaise de Wellington à la poursuite des troupes Napoléoniennes y fit étape tandis qu’une partie de la population s’enfuyait dans les bois après avoir enterré les provisions et les objets précieux. Le témoin le plus remarquable du XVIIIème siècle reste néanmoins le pont de la Caraou : sa dimension laisse penser que la vieille route de Cassagne à Belbèze connaissait alors un trafic relativement important. Construit sous le règne de Louis XV, il a été inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques, il possède une arche double qui se reflète dans le Lens ainsi que de lourds parapets ajustés par les tenons et mortaises sur lesquels les moyeux de charrettes ont laissé la trace de leurs frottements. Dans leur cadre de verdure et d’eau ces vieilles pierres dégagent un charme indéniable, apprécié par les peintres et les amoureux de la nature. Plus près de nous, au XIXème siècle, le développement de l’agriculture, des carrières, du tissage, puis des papeteries provoqua un nouvel essor de la construction et la population communale dépassa 800 habitants. De nombreuses maisons aux ouvertures rectangulaires encadrées de moellons de pierre blanche sont les produits de cette période, le meilleur exemple du type étant le presbytère dont le linteau de la porte d’entrée est daté de 1833. L’expansion des échanges et des transports entraîna une amélioration du réseau routier et la construction de la plupart des ponts encore en service aujourd’hui. Celui de Borderes en 1840, celui de l’Isle en 1848, mais aussi sur le Laouin, celui de Sarradas et sur le ruisseau de Belbèze, celui de Coutilloun. En matière de scolarisation, un établissement public de garçons fut ouvert en 1867, près de l’Eglise, dans la maison Chataigner. Il fut remplacé, à partir de 1900 par les bâtiments actuels. Simultanément vers 1850, avait été également construit une école libre de filles au centre du village (Maison Escaich). Un immeuble particulier, la Maison Ruffe, appelé aussi « Le Château » en raison des tours qui l’agrémentaient autrefois, se fait remarquer par ses dimensions inhabituelles et les éléments de pierre taillée de sa façade, il date de 1875. Quelques petits édifices portant une croix ou une statue souvent situés au croisement des routes, témoignent enfin de la piété populaire et de l’architecture religieuse mineure au siècle dernier. Le plus original est la Montjoie du Santet : il est surmonté d’une croix marquée de l’année 1839 et comporte une petite niche contenant une statuette de Saint-Saturnin – premier évêque de Toulouse. C’est celle-ci (Santet signifiant petit saint) qui a valu son nom au quartier. Après ce rapide survol des traces du passé de la Commune, notre siècle apparait comme une époque d’accélération brutale et de bouleversements profonds par rapport aux périodes antérieures, caractérisées par des évolutions lentes et soumises à « l’ordre éternel des champs ». L’aspect du village ou de ses écarts et leurs dimensions en seront sensiblement affectés. Comme partout ailleurs, les guerres ont frappé durement la Commune. Celle de 14-18 est commémorée par le Monument aux Morts du Pré Commun sur lequel sont gravés 36 noms. Le conflit de 39-45 est évoqué par un nom supplémentaire au Monument de 14-18 une plaque à Furne en souvenir d’Henri Montagut déporté au camp de Dachau et une stèle aux « Quatre Chemins » pour un maquisard victime des Mongols de l’armée Vlassof.

Enfin le 10 juin 1944, les habitants de Cassagne virent passer la colonne S.S de la division Das Reich qui perpétra le massacre de Marsoulas, et connurent ce jour là leur plus grande frayeur de la Guerre. Mais notre époque peut heureusement se prévaloir de réalisations plus pacifiques : elle a été celle d’un développement considérable des équipements publics : revêtements des routes et de la plupart des chemins communaux, construction de bordures et de trottoirs dans le village, installation des réseaux d’électricité, de téléphone et d’eau potable, édification des bâtiments de la Salle des Fêtes, de la Mairie, de la Poste et des Douches, création d’un complexe sportif à Bouque de Lens. Aménagement du Pré Commun et des abords de l’Église, canalisation des eaux pluviales ou usées et diverses opérations d’embellissement du cadre de vie. Cependant l’héritage le plus spectaculaire du XXème siècle sera, sans doute, celui de l’expansion de la construction. A partir de 1950, en effet le village éclate, il sort de ses limites traditionnelles qui n’avaient guère varié dans le passé pour égrener ses nouvelles maisons, souvent des résidences secondaires, le long des routes des Foys, d’Es Castets et des Lux en direction de Salies ou dans une moindre mesure, sur le plateau du Santet et le quartier du Pradet vers Sarradas. La plupart des hameaux connaissent le même phénomène. A Sarradas, les habitations récentes se sont implantées au bord des routes de Salies et de Cassagne, de l’Ille et du Crampan, elles ont contribué à doubler le nombre d’immeubles de ce hameau, tandis qu’en direction opposée, sur le plateau de l’Estourère s’est créé un nouvel ensemble de constructions dispersées.